Poèmes de mon lointain matin
Je livre au lecteur ces poèmes qui remontent aux premiers âges du monde. Ils furent écrits lorsque j'avais entre dix et seize ans. C'est l'époque de l'aurore primordiale. Le poète enfant hésite au bord du nid avant de s'élancer dans les périls du zénith. Aussi, ces pages vibrent‑elles de rosée, de rêve et d'enchantement.
DIEU
O Dieu, Visage immense et sombre,
Tu contemples avec amour
Les soleils dans les rameaux d'ombre,
Les nids tremblants au point du jour !
O Semeur éternel qui passe
Couronné d'un bandeau de feu,
Ta robe enténèbre l'espace,
Ton regard flotte au zénith bleu
Tu disperses d'un même geste
Les comètes pâles d'horreur,
Et les rêves, essaim céleste
Qui frôle l'âme du penseur.
Pour baigner la corolle fière
Tu remplis de perles les yeux
De l'aube aux ailes de lumière
Et du soir qui meurt dans les cieux !
Devant toi, l'aurore qui vole
Sur un dragon de flamme d'or
Est moins que la vague parole
Jetée autrefois par un mort.
Talon, tu broies les passions viles
Main, tu mènes le char radieux !
Tu courbes sur les noires villes
Ton arc‑en‑ciel mystérieux.